Header
  Accueil
 
 

PARDON

Voir aussi Pardons et réconciliations politiques, dans la rubrique Paix

Nelson Mandela

Pardonner c’est fondamentalement faire don de quelque chose à quelqu’un. Le sens du terme est donc fidèle à son étymologie : perdonare, en latin (per/donare). Il s’agit du don que l’on fait de son droit au ressentiment après avoir été la victime d’une offense. Le pardon consiste en effet à vaincre son ressentiment envers un offenseur, non pas en niant son droit au ressentiment, mais en s’efforçant de considérer l’offenseur avec bienveillance, compassion et même amour.

LE PARDON N’EST PAS L’OUBLI, NI LA RECONCILIATION

Le pardon est l’antithèse de l’oubli ; car si l’on oublie le tort qui a été fait, alors, il n’y a plus rien à pardonner. Excuser, amnistier, dispenser de peine, oublier et/ou nier ce qui s’est passé ne constituent pas des aspects légitimes du pardon. Chacune de ces démarches peut empêcher le pardon authentique de se produire ou peut résulter en un simulacre de pardon. Ainsi, Nelson Mandela, affirme : « les Sud-Africains doivent se souvenir du terrible passé, de façon à pouvoir le gérer, pardonner quand le pardon est nécessaire mais ne jamais oublier. En nous souvenant, nous nous assurons que plus jamais une telle barbarie ne nous meurtrira et nous supprimons un héritage dangereux qui reste une menace pour notre démocratie » (1). Le pardon n’est pas non plus la réconciliation. Pour se réconcilier, il faut être au moins deux. Il faut aussi qu’une relation antérieure, même minimale, ait existé et que cette relation vaille la peine d’être poursuivie. Pardonner n’implique donc pas nécessairement de se réconcilier. On ne peut se réconcilier avec une personne qui ne souhaite plus vous rencontrer. Il n’est pas souhaitable, non plus, de se réconcilier avec une personne qui a abusé de vous dans le passé et ne semble pas s’être amendée.

CE QUI FACILITE LE PARDON

La présence d’excuses sincères de la part de la personne qui a commis le tort constitue un élément de facilitation très important. Le fait que l’acte négatif n’était pas réellement intentionnel joue également un rôle : on peut plus facilement pardonner un acte résultant d’un incident fortuit ou d’une négligence qu’un acte dont l’intention était délibérément nuisible. Un troisième facteur est le degré de diminution des conséquences négatives de l’acte ; par exemple, il est plus facile de pardonner une fois la santé recouvrée que pendant la convalescence. Un autre facteur important est la proximité sociale entre l’auteur de l’acte négatif et sa victime : on est plus enclin à pardonner un membre de la famille que quelqu’un que l’on connaît à peine. Plus une personne est émotionnellement stable, moins elle éprouve de ressentiment durable. Les tendances dépressives, colère, anxiété et tendance à la rumination sont les aspects les plus liés au ressentiment durable. Une victime très narcissique a tendance à percevoir toute offense comme plus grave, et à pardonner de manière nettement plus conditionnelle qu’une victime moins narcissique, à sévérité de l’offense égale. Colère et tendance à la rumination sont inversement corrélées à la propension à pardonner.

LA CONCEPTION DU PARDON SELON LES CULTURES ET LES RELIGIONS

Dans beaucoup de sociétés que l’on nomme parfois traditionnelles, le pardon apparaît comme la composante clé des systèmes de justice (voir la page JUSTICE REPARATRICE). Dans ces sociétés, tout offenseur est perçu par ses compagnons comme littéralement coupé de la société par suite de l’offense qu’il a commise. Par exemple, les Navajos ont coutume de dire d’un agresseur qu’« il a agi comme s’il n’avait pas de relations ». L’objectif essentiel est donc de réintégrer l’offenseur dans sa société car il est considéré comme néfaste pour une société de se démembrer. Le pardon humain est donc, dans ces sociétés, la voie préférée de traitement des offenses.

Murillo, Le retour du fils prodigue (fragment)

Le pardon (et la réconciliation que celui-ci facilite) sont des ingrédients fondamentaux de la vie sociale. Les auteurs des textes religieux anciens ont saisi cette réalité et ont naturellement souhaité lui donner une place dans leurs écrits. L’Ancien Testament met tout particulièrement l’accent sur le pardon divin, et le Nouveau Testament sur le pardon humain. Le Coran, qui, historiquement et théologiquement, leur fait suite, réalise un équilibre des deux. Le bouddhisme distingue deux notions dont la conjugaison correspond, semble-t-il, à la notion occidentale de pardon. La première notion est celle de renoncement à la colère et au ressentiment envers tout offenseur ; la seconde est celle de renoncement à toute forme de rétribution pour les offenses commises. Ceci correspond aux idées d’empathie, de compassion, de pitié pour tout être.

PEUT-ON APPRENDRE A PARDONNER ?

Chez les thérapeutes, le pardon a commencé à gagner en popularité dans les années 80, essentiellement comme moyen de réguler certaines émotions comme la colère, l’anxiété, et la dépression. Les cliniciens qui ont introduit l’usage du pardon en psychothérapie ont noté que la capacité à pardonner de leurs clients facilitait la récupération et la guérison. Des psychologues cliniciens ont, par exemple, travaillé durant approximativement quatorze mois avec six patientes ayant été victimes d’inceste. Comparées à un groupe de référence (liste d’attente), les personnes ayant bénéficié de la thérapie par le pardon ont témoigné d’une plus grande réduction de l’anxiété et de la dépression, et d’une augmentation de l’espoir et de l’estime de soi que les personnes du groupe de référence.

(1) Mandela N. (1999). « Pardonne, mais n’oublie pas », Le Monde, 7 août 1999, p. 11.]].

Par Etienne Mullet, Teresa Muñoz Sastre et Jacques Lecomte

Ce document peut être repris, partiellement ou intégralement, à condition d’en indiquer la source :
© Etienne Mullet, Teresa Munoz Sastre et Jacques Lecomte - http://www.psychologie-positive.net

Vous trouverez une présentation plus complète de ce thème dans le chapitre Le pardon, d’Etienne Mullet, Teresa Muñoz Sastre et Jacques Lecomte ; dans Jacques Lecomte (dir.). Introduction à la psychologie positive, Paris, Dunod, 2009.